1/04/2007

Digressions matinales

Brise matinale. Le froid est tombé d’un coup sec la nuit dernière. Nicolas marche l’habituel kilomètre qui le sépare de sa station de métro. Le rythme de ses pas cadence sa respiration, et ses pensées. C’est toujours dans ces moments là que son  cerveau part en ébullition…


Au début est le commencement. Normal. Si au début c’était la fin, on perdrait nos moyens. Ce n’est pas pour autant qu’il faut se réjouir que les choses se déroulent dans l’ordre. Parfois, cela mériterait qu’on saute quelques étapes. Des fois, si on connaissait la fin, on ne commencerait jamais le début. Mais on ne connaît jamais la fin. C’est peut-être ça le grand mystère. C’est que la fin tombe toujours comme un cheveu dans la soupe, ou plusieurs d’ailleurs si la fin c’est de s’écrouler le nez dans sa soupe. C’est que la fin ne se décide jamais par avance. Sauf si on prémédite un meurtre. Là, on décide la fin de l’autre. Ca doit avoir un côté jouissif. Genre puissance divine. Tiens, ça me plairait bien de lui coller sa tête dans l’assiette de soupe à ce conard de Michel. Depuis le temps qu’il me gonfle à jouer les chefs en mal de pouvoir. Ou alors, si l’on se suicide. Mais là, c’est tricher. C’est pas du jeu. Non, ce qu’il faut c’est qu’il y ait un début où il n’y a rien. Un milieu où il se passe plein de trucs. Et une fin où il ne se passera plus rien. Remarque, c’est vrai que souvent, le milieu, le moment où il doit se passer plein de trucs, finalement, il ne se passe pas tant de trucs que ça. Tout du moins des trucs intéressants, qui pourront être conservés après la fin. Enfin, en disant ça, cela suppose qu’il peut rester des choses après la fin. Ce dont on n’est pas complètement certain. Ou alors, s’il semble qu’il reste des choses après la fin, ce sont en général des choses qui remplissent le milieu des autres, qui leur servent de trucs pour remplir leur milieu dans la mesure où ils n’ont pas de trucs à eux pour que leur milieu soit intéressant. De toutes les façons, cela ne va jamais bien loin. Après deux ou trois fins, il ne reste vraiment plus rien. Surtout lorsque les milieux qui suivent sont remplis de trucs vraiment nouveaux, prenants et intéressants. Ou pas.

Donc, au début est le commencement. Cet instant unique où avant il n’y a rien, et après, tout. Avant qu’il n’y ait plus rien à nouveau. Pour qu’il y ait le début, il faut qu’immédiatement après, il commence à se passer un premier truc. Certains crient. D’autres deviennent violets. D’autres décident que finalement, il ne se passera rien. Certains, comme Dieu, qui est un grand farceur, décident  d’allumer un pétard. Mais après, ils ne contrôlent plus rien. Un premier truc en appelant un autre, naît la causalité, qui fait que toutes choses produisent des effets, qui permettent ensuite de pouvoir s’excuser : « c’est à cause de… ». Ainsi, que le milieu soit rempli d’intéressant ou non, ce n’est pas si important puisqu’on n’est pas responsable de la première cause. A moins que l’on ne considère que chaque instant, chaque action du milieu soit un début, un milieu et une fin qui finalement se perdent au fur et à mesure. Une fausse croyance laisse penser que les poissons rouges n’ont que 3 secondes de mémoire, et sont ainsi heureux chaque fois qu’ils font le tour de leur bocal. Les humains fonctionnent peut-être de la même manière. Leur vie ne dure que 3 secondes. Le temps de faire le tour de l’aquarium et ils recommencent comme si de rien n’était. 1 seconde de temps cosmique pour chaque grande période de vie : enfant, adulte, vieux. Ça prouve bien que le 4ème âge, c’est quand même n’importe quoi. Ça dépasse le temps. Mais bon, ça ne me dit toujours pas ce qu’est une vie bien remplie. Une vie faite de malheurs ? de bonheurs ? Un peu des deux ? Sûrement des deux… Ou alors de rien. De trucs inutiles, et de temps en temps des malheurs ou des bonheurs. C’est à ça qu’on les repère d’ailleurs. Quand ça sort de l’ordinaire. Quand ça sort de l’ordinaire, c’est super ! Tiens, il faut que je la note celle-là pour Robert. Il pourra toujours essayer de la ressortir pour faire drôle. Cela voudrait dire qu’il doit y avoir un début, un milieu plein de rien, puis une fin. Ça n’a pas grand intérêt finalement. Mais bon, c’est vrai que, en général, j’ai quand même l’impression qu’on ne cherche qu’à durer, au lieu d’exister. La durée moyenne de vie est passée est passée de 68 à 76 ans en moins de quelques décennies. Super ! Et ils font quoi de ces années gagnées, tous ces cons ? Un stage de fauteuil roulant ? Ils passent leur permis de grabataire ?

On ne devrait pas mesurer la durée de vie ou pire, l’espérance de vie. L’espérance de vie est une statistique. On espère qu’on vit. On espère qu’on va vivre. On dit que l’espoir fait vivre. Que tant qu’il y a de l’espoir, il y a de la vie. Espérons. Et alors, si on meurt avant la moyenne, on redouble ? On reçoit un mauvais point ? Regarde : Mozart, Jésus, Attila, Napoléon… ils n’ont pas cherché à durer. A part peut-être Jésus avec son plan « vie éternelle ». Il aurait dû bosser pour une compagnie d’assurances vie… Lui, il a voulu nous faire croire que la fin, c’était le commencement, que les derniers seraient en premiers, que les simples d’esprits seraient heureux. Encore que sur ce dernier point, je me demande s’il n’est pas dans le vrai… Remarque, c’est bien ce que je disais. Si au début c’était la fin, on perdrait nos moyens. Ils ont à peine dépassé la trentaine et on se  rappelle encore d’eux. Chacun dans leur style d’ailleurs. Pourtant, on ne sait même pas si ils ont été heureux, ou malheureux. Au moins, ils ont été. La preuve, on s’en rappelle. On devrait mesurer l’intensité de vie. Tiens, quand je serai Président, je ferai une loi qui oblige chaque citoyen à mesurer son intensité de vie.

… un coup violent. Des étoiles. Une grande lumière, très flashy. Pas du tout le genre de grand tunnel avec lumière blanche réconfortante au bout. Juste une énorme décharge électrique. Nicolas n’a pas vu la poutre métallique qui dépassait du camion mal stationné. Et c’est le début de la fin.


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